Le Dr Trish Henwood, médecin urgentiste, présidente et cofondatrice de PURE Initiative, lutte en première ligne contre le virus Ebola depuis 2014, date à laquelle elle se rendit au Liberia pour combattre une épidémie. Dans son récent article pour la revue médicale The New England Journal of Medicine, le Dr Henwood revient sur ce qu'elle a appris depuis le début, lors de ces séjours extrêmement difficiles.

Dès le début de son article, le Dr Henwood ne nous épargne pas : « La moitié de mes patients sont morts. Ils sont morts d'une même maladie, mais de tant de façons différentes. » Après cette rude introduction, elle explique que l'aspect clinique ne permettait pas toujours de déterminer les chances de survie des patients atteints d'Ebola, et le rôle clé que peut jouer l'échographie dans l'évaluation de l'état de ces patients.

Dès ses premières semaines au sein d'une unité de traitement d'Ebola au Liberia, le Dr Henwood reconnaissait que les diverses manifestations de la maladie la laissaient souvent « perplexe ». Des patients qui semblaient en voie de guérison voyaient soudainement leur état s'aggraver et mouraient.

Pour faciliter le diagnostic et sa mission, le Dr Henwood s'est procurée un appareil d'échographie Point-Of-Care. Munie de cet échographe, elle a pu examiner un patient, appelé « Mr A », qui semblait se remettre mais dont l'état s'est brusquement détérioré :

« Le lendemain matin, Mr A était dans un état terrible : 40 degrés de fièvre, 40 respirations par minute et à peine conscient. Nous avons alors pratiqué une perfusion par voie intraveineuse et j'ai placé la sonde échographique sur sa poitrine. J'ai alors constaté un schéma normal avec glissement pleural, soit l'absence d'œdème pulmonaire, de pneumonie et de pneumothorax. Lorsque j'ai déplacé la sonde vers son abdomen, j'ai eu la surprise de déceler une dilatation diffuse des anses intestinales et un œdème de la paroi intestinale, mais pas de péristaltisme, ni aucun signe évident de perforation. Je pensais davantage à un iléus qu'à une obstruction mécanique, d'autant plus qu'il n'avait pas d'antécédents médicaux ni chirurgicaux. Plusieurs jours de diarrhée aiguë, suivis d'un iléus paralytique. Des hoquets, dus à l'iléus ? Une péritonite et de la fièvre, éventuellement dues à une translocation bactérienne à travers sa paroi intestinale enflammée. Tachypnée centrale due à une acidose métabolique. Mr A ne ‘mourait pas simplement du virus Ebola’, mais peut-être à cause d'un choc septique à médiation bactérienne. »

Malheureusement, Mr A n'a pas survécu. Mais, le Dr Henwood a ainsi compris le rôle important d'une telle infection bactérienne secondaire concomitante, observée chez d'autres patients similaires, dans les décès liés au virus Ebola. Les données actuelles montrent les dangers associés à un iléus intestinal, à la perte d'intégrité des muqueuses et à une translocation bactérienne chez les patients souffrants d'Ebola.1, 2 Le traitement par antibiotiques à large spectre est recommandé pour les patients qui présentent de graves symptômes d'Ebola.

Le Dr Henwood a répertorié six applications potentielles de l'échographie Point-Of-Care dans une unité de traitement d'Ebola :

  • Obstétrique : l'échographie Point-Of-Care permet de confirmer la viabilité ou la mort fœtale, d'estimer l'âge gestationnel et d'évaluer les causes d'hémorragie chez les patientes.
  • Pulmonaire : l'échographie Point-Of-Care permet de mieux faire la différence entre des poumons dégagés (indiquant une possible tachypnée d'origine centrale) et des signes d'œdème, d'infection, d'hémorragie ou du syndrome de détresse respiratoire aiguë.
  • Gastro-intestinal : l'échographie Point-Of-Care permet de déceler un iléus paralytique avec œdème, distension intestinale et défaut de péristaltisme. Le Dr Henwood recommande l'échographie Point-Of-Care en cas de suspicion de sources abdominales d'infection secondaire, notamment de translocation bactérienne due à une détérioration de l'intestin.
  • Hépatobiliaire : l'échographie peut révéler une hépatomégalie et un dysfonctionnement hépatique, suggérant la présence d'une inflammation ou d'une infection. La présence d'ascites peut être un signe de dysfonctionnement hépatique ou d'infection bactérienne secondaire.
  • Génito-urinaire : l'échographie permet de distinguer une anurie, une obstruction, et une insuffisance rénale aiguë ou chronique.
  • Cardiovasculaire : l'échographie cardiaque permet de confirmer une péricardite, un épanchement péricardique ou une myocardite, due au virus Ebola.

Le Dr Henwood souligne par ailleurs que l'échographie Point-Of-Care se révèle particulièrement précieuse dans les milieux aux ressources limitées, où le manque d'autres outils d'imagerie diagnostique se fait sentir. Un échographe portable relié à un réseau Wi-Fi permet d'envoyer des images à des spécialistes très éloignés pour obtenir leur aide. Même dans les zones très reculées, le Wi-Fi peut fonctionner au travers d'un modem portable.

Dans ses conclusions, le Dr Henwood précise que l'échographie Point-Of-Care est indispensable dans la lutte continuelle contre le virus Ebola :

« Alors que, malheureusement, cette épidémie continue, il est important de s'attacher à contrôler l'infection, en plus, dans une approche humanitaire, d'accorder de meilleurs soins aux patients et de mener les recherches nécessaires pour améliorer les résultats. Adopter une approche globale intégrant l'échographie dans les unités de traitement d'Ebola pourrait nous aider à mieux adapter le traitement aux différents patients et à améliorer notre connaissance de cette grave maladie. »

Lisez le rapport complet du Dr Henwood sur les applications de l'échographie Point-Of-Care dans le traitement du virus Ebola.

 

Précédents travaux du Dr Trish Henwood

Nouvelles du front : le combat contre Ebola en Afrique

L'aide de Sonosite dans la lutte contre Ebola

Nouvelles de la lutte contre Ebola au Liberia

Références

1Carroll MW, Haldenby S, Rickett NY et al. Deep sequencing of RNA from blood and oral swab samples reveals the presence of nucleic acid from a number of pathogens in patients with acute Ebola virus disease and is consistent with bacterial translocation across the gut. mSphere 2017;2(4):e00325-17-e00325-17.

2Kreuels B, Wichmann D, Emmerich P et al. A case of severe Ebola virus infection complicated by gram-negative septicemia. N Engl J Med 2014;371:2394-2401.