Ingrid Yuile, professeur en échographie qualifiée et échographiste médicale comptant sept années d'expérience dans les hôpitaux et cliniques privées du pays, a apporté ses compétences en formation ainsi que le Sonosite Edge au cœur des steppes de Mongolie et a découvert un pays d'une grande beauté et d'une extrême complexité.Voici son histoire :
« En juin 2015, je suis partie avec 8 urgentistes intrépides enseigner la médecine d'urgence à des médecins mongols de plusieurs disciplines. Un lien fort entre les anesthésistes australiens et mongols existe depuis 2001, lorsque le docteur David Pesod a représenté l'Australie à une conférence sur l'anesthésie.
Au fil des années, des bénévoles australiens ont proposé des formations de qualité en obstétrique et gynécologie, en maïeutique, en pédiatrie, en chirurgie et en médecine d'urgence. À ma connaissance, c'est la première année qu'un opérateur d'échographie est impliqué pour enseigner des techniques d'échographie Point-of-Care.Après plusieurs mois de préparation, de rassemblement de l'équipement, de démarches d'obtention de visas et d'échanges par e-mails, le groupe était prêt à partir. J'étais ravie de faire partie d'une équipe de soins de première urgence avec les docteurs du FACEM Simon Smith, Wolfgang Merl, Mark Putland, Robyn Parker, Luigi Marino, Ben Delaney, Rob Melvin et Peter Jordan. Nous avions été invités par la Société mongole des anesthésistes pour enseigner les soins d'urgence.
À propos de la Mongolie
La Mongolie est un pays fascinant. Enclavé entre la Russie au Nord et la Chine à l'Est, au Sud et à l'Ouest. Avec une histoire tumultueuse de Ghengis Khan à la chute de l'Union soviétique, la Mongolie a connu son lot de conflits.C'est le pays le moins peuplé au monde avec 3 millions d'habitants, dont approximativement 40 % vivent dans la capitale, Oulan-Bator. De nombreuses personnes qui vivent dans des régions rurales conservent leur mode de vie nomade ou semi-nomade et, même si l'économie repose encore sur l'agriculture et l'élevage, le secteur minier s'est fortement développé ces 15 dernières années.
Les services de santé en Mongolie
La Mongolie est divisée en 21 provinces (aimags) elles-mêmes séparées en 329 districts (soums). Les services de santé sont accessibles dans des hôpitaux nationaux et au niveau des aimags et des soums. Notre groupe a atterri à Oulan-Bator avant de se scinder en deux. Une équipe est partie pour l'aimag de Dundgovi et la mienne s'est rendue dans l'aimag de Khovd, dans l'ouest du pays. Nous avons passé 2 jours dans la capitale avant de nous envoler vers Khovd, pendant lesquels nous avons visité le nouvel hôpital principal d'Oulan-Bator, alors ouvert depuis seulement 6 semaines. Ces urgences reçoivent entre 60 et 100 patients par jour. C'était intéressant de voir leur zone de triage, les urgences et les soins intensifs équipés d'échographes portables.Même si leurs services sont très impressionnants, des améliorations sont toujours possibles. Par exemple, l'utilisation de vitamine C pour traiter un sepsis (reste d'une ancienne formation médicale dispensée par les Russes) et les portes et fenêtres ouvertes en soins intensifs. Impossible d'envisager la mise en place d'une voie fémorale à côté d'une porte ouverte vers l'extérieur ! Les médecins les plus jeunes ont du mal, malgré leurs efforts, à mettre en œuvre des pratiques médicales éprouvées, car ils se heurtent à la résistance de médecins plus âgés et expérimentés. La médecine d'urgence en est à ses débuts en Mongolie et la majorité des soins intensifs sont prodigués par les anesthésistes. Cependant, une résidence de 2 ans visant à former 12 médecins à Oulan-Bator a commencé. Les changements arrivent !
La vie nocturne à Oulan-Bator
Après notre visite de l'hôpital, les membres du groupe toujours présents à Oulan-Bator ont décidé de prendre le pouls de la ville. Risquant notre vie à chaque fois que nous traversions la rue, nous nous sommes rendus au monastère bouddhiste Gandantegchinlen, dans un magasin d'état pour acheter quelques souvenirs et sur la place Grand Chinggis Khaan pour admirer les statues du personnage. Dans la soirée, nous avons profité du programme culturel quotidien pour découvrir les merveilles du chant guttural mongolien, d'une danse dynamique avec une influence cosaque évidente, d'une gamme d'instruments traditionnels et de la performance époustouflante d'une contorsionniste. Levés tôt le lendemain, nous avons retrouvé nos deux interprètes, les anesthésistes Tsolmon Begzjav et Enkh-Amgalan Dorjbal, et sommes partis pour l'aéroport international Chinggis Khaan.Après 3 heures de secousses dans un avion à hélice dans les toilettes duquel la chasse d'eau ne fonctionnait pas, nous arrivons à Khovd.
Khovd
Khovd est une province de 84 000 habitants. 30 000 d'entre eux vivent dans la ville de Khovd et les autres se répartissent dans ses 18 districts. À 1 395 mètres au-dessus du niveau de la mer, équivalent à la station de ski Falls Creek, le climat de Khovd est désertique et froid et les précipitations annuelles sont apparemment très faibles. Il a pourtant plu tous les jours pendant notre séjour. Heureusement, la pluie s'arrêtait les après-midi et, comme le soleil ne se couchait pas avant 22h, nous pouvions profiter de la lumière du soleil pendant plusieurs heures. Les locaux étaient ravis que nous ayons amené la pluie depuis Melbourne et ont déclaré « si nous ne profitons pas de la formation, au moins nous aurons profité de la pluie ! ».
L'hôpital de Khovd
L'hôpital de l'aimag de Khovd est considéré comme un hôpital de « niveau 2+ ». L'établissement est impressionnant : il comprend une zone de triage, des urgences avec 2 lits, des soins intensifs avec 2 lits, une unité d'hémodialyse, une banque de sang, des équipements de radiologie, de scanner et d'échographie. Notre programme de 3 jours débordait de conférences et d'ateliers à destination d'un groupe de 24 professionnels de santé, notamment des anesthésistes, des médecins de premiers secours, des infirmières, un radiologue et un opérateur d'échographie. C'était une expérience intéressante que de transmettre un message via un interprète et de s'adapter à l'heure mongolienne, qui ressemblait à l'heure fidjienne.Les médecins de mon équipe ont couvert une large gamme de sujets de médecine d'urgence et j'ai présenté l'évaluation ciblée par échographie lors d'un traumatisme (eFAST) ainsi que les techniques de guidage d'aiguille. Je suis très reconnaissante du généreux soutien reçu de la part de Sonosite à travers le prêt d'un appareil Edge portable. Cet appareil s'est avéré très précieux lors des sessions de formation. Il m'aurait été impossible d'enseigner avec le vieil appareil de l'hôpital équipé d'une seule sonde convexe et dont certaines fonctions étaient en panne.Heureusement, les avantages de l'échographie Point-of-Care sont de plus en plus acceptés et des appareils récents arrivent doucement (généralement grâce à des dons) dans les aimags. Les professionnels de santé sur place ont maintenant besoin de formations supplémentaires et de beaucoup de pratique. Les appareils portables ont des conséquences positives sur les maladies graves pour lesquelles un diagnostic rapide accélère la prise en charge du patient et améliore potentiellement le pronostic. Une fois la technique de guidage d'aiguille maîtrisée, celle-ci peut-être utilisée lors de diverses interventions, améliorant la précision et la sécurité des procédures invasives.
La vie nocturne à Khovd
Mon équipe de soins de première urgence a été accueillie chaleureusement par les médecins locaux et transportée en ville dans un vieux minivan russe qui veillait à ce que chaque aspérité de la route soit ressentie. Nous avons dîné dans la salle de garde de l'hôpital, chanté dans un karaoké près de notre hôtel et bu de la vodka et de la bière Chinggis à chaque occasion. C'est avec plaisir que nous avons découvert les paysages autour de la ville au cours de visites organisées pour nous. L'isolation de cet aimag au milieu de cette plaine aride nous a sauté aux yeux, seules quelques collines pointaient à l'horizon. Un soir, au terme d'un trajet d'une heure et demie en 4x4, nous avons diné avec les parents de l'ambulancier de l'aimag. Ses parents sont nomades, ils élèvent des moutons, des chèvres et des vaches, et déplacent leur « ger » tous les trois mois environ. L'entrée était un assortiment de fromages (de lait de yack ou de chèvre) arrosé d'un verre de whisky. Pour le dîner, nos hôtes nous avaient préparé du ragout de mouton que nous avons mangé directement sur l'os. Après une courte pause, l'occasion de prendre quelques photos à l'extérieur, nous nous sommes régalés d'un dessert à base de yaourt au lait de chèvre. L'hospitalité de ces gens simples a renforcé la tendresse particulière que nous ressentons tous désormais pour la Mongolie.
Encore plus de ruralité
À la fin de notre programme de formation de 3 jours, nous nous sommes aventurés plus loin pour visiter l'hôpital du soum de Khovd (rural). Cette région compte 24 professionnels de santé, dont 3 médecins, pour à peu près 3 400 personnes. L'hiver est souvent chargé, car les maladies respiratoires et les intoxications au monoxyde de carbone sont courantes à cause des feux de four dans leurs habitations traditionnelles. Même si le taux de vaccination des nouveau-nés est de 100 %, le suivi des peuples nomades est difficile et nous avons constaté 6 cas de rougeoles dans leur service des maladies infectieuses au moment de notre visite. Cette équipe apporte les premiers soins à la population locale, notamment en cas d'accidents de la route, de chutes de cheval ou de chutes sur terrain rocheux. L'hôpital du soum dispose d'un vieux GE Logiq A1 relégué dans leur salle de soins maternels, la bouteille de gel toute sèche prouve que l'appareil n'est pas souvent utilisé. Le médecin de garde était partant pour apprendre les quatre vues FAST, donc Tsolmon, notre interprète, a montré et traduit mes instructions tandis que je l'aidais à trouver de bonnes fenêtres échographiques. J'ai cru comprendre que ce petit appareil a désormais sa place dans la salle des urgences et j'espère qu'il est utilisé à bon escient. « Parfois, certains docteurs se retrouvent face à une situation pour laquelle ils n'ont pas l'expérience ou l'équipement requis. Dans ce cas, ils appellent à l'aide l'hôpital de l'aimag. L'assistance a lieu par téléphone ou, dans les cas les plus graves, une équipe est envoyée sur place pour traiter un patient instable qui ne peut être transporté jusqu'à l'aimag. Établir un diagnostic rapide et précis est crucial pour accélérer la prise en charge des patients dans les endroits reculés qui ne bénéficient pas d'infrastructures de transport suffisantes. Dans ces conditions, un échographe portable entre les mains d'un médecin qui sait l'utiliser fait toute la différence.
Après un bon déjeuner arrosé d'une bouteille de Chardonnay mongol avec le directeur des services médicaux, dans son bureau de l'hôpital du soum, nous sommes rentrés à la ville de Khovd et avons préparé nos affaires avant notre vol vers Oulan-Bator. Une fois notre travail terminé, il était temps de retrouver l'équipe partie à Dundgovi et d'échanger sur nos expériences sur le trajet retour vers Melbourne.
Réflexions
Les médecins de l'aimag et du soum m'ont donné une leçon d'humilité : ils font tant avec si peu. Ils ne disposent pas d'équipement de pointe ou n'ont pas accès à la même formation que nous, mais ils font face au quotidien à de nombreux cas variés et compliqués. Je pense que leur expérience est similaire à celle des médecins de campagne de chez nous. J'ai également été surprise par la répartition hommes femmes parmi les médecins que nous avons formés. Tous les participants avec qui l'équipe de Dundgovi a travaillé et 60 % des participants à Khovd étaient des femmes. J'ai été impressionnée et enthousiasmée par cette omniprésence des femmes à des postes élevés. Elles travaillent dur à l'amélioration de la santé et du bien-être dans leur pays.
À nouveau, j'aimerais remercier Sonosite et la générosité dont l'entreprise a fait preuve en me prêtant un appareil pour ce voyage. J'aimerais également remercier de tout cœur l'équipe d'Ultrasound Training Solutions pour leurs généreuses contributions et sans qui mon séjour en Mongolie n'aurait pas été possible. C'était mon premier voyage de ce type et j'espère que ce ne sera pas le dernier. J'ai hâte de voir comment la situation évoluera dans les années à venir. »
À propos d'Ingrid Yuile
Ingrid Yuile, professeur en échographie qualifiée et échographiste médicale comptant sept années d'expérience dans les hôpitaux et cliniques privées du pays, a toujours participé à la formation de jeunes échographistes dans un cadre professionnel. Ingrid est avec nous à mi-temps pour continuer à exercer en clinique en tant qu'échographiste généraliste. Grâce à ses connaissances en science du sport, elle s'intéresse particulièrement à l'échographie musculo-squelettique.